Ecrire comme une arme

Article : Ecrire comme une arme
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14 mars 2016

Ecrire comme une arme

Ecrire pour se répéter, écrire pour dire ce en quoi l’on croit, écrire pour garder l’espoir, écrire quand on ne peut pas marcher, écrire comme seule arme.

Ecrire, me permet d’évoquer ces sujets tabous qui apportent peine et douleur dans mon pays le Cameroun. Ecrire, me permet surtout d’apporter une voix parfois dissonante mais que j’assume pleinement.

Ecrire pour dire que j’ai peur, oui très peur. Lorsque dans un pays, les êtres humains n’ont plus de dignité. Nombre de fois, j’ai constaté dans ces colonnes, le manque de dignité accordé à l’être humain dans la société dans laquelle je vis. Un accident, un passage à tabac de bandits, une bavure policière, une bavure médicale, un revenge porn, tant d’exemples où Internet donne désormais le droit à certains de mes compatriotes d’exprimer leur désintérêt pour l’être humain, et ceci en général dans le but d’informer, dénoncer. Internet n’est pas le seul outil. Il n’y a qu’à observer les attroupements parfois de centaines de personnes autour d’un accident, ou de tout phénomène public inhabituel (bagarre, etc.). Tout le monde  regarde, compatit a priori mais personne ne veut rien faire, pas une pièce, un secours, rien juste ce voyeurisme aggravé.

Ecrire pour dire encore que j’ai peur, toujours peur de ce manque de dignité mais dans un autre contexte. L’empathie est un mot qui semble parfois s’évanouir du quotidien de mes frères et soeurs. Pour un rien, on s’énerve, on en vient aux mots insultants, irrespectueux que ce soit en public ou sur des plate-formes virtuelles. Pour un rien, dans un lieu où on peut s’attendre à de la compréhension comme un hôpital, même dans les cliniques privées où on paie pourtant pour se faire soigner, pour un rien, on vous manque de respect, pour un rien, on ne compatis pas à votre mal. Beaucoup de mes frères et soeurs (moi y compris) sont choqués par le drame de l’hôpital Laquintinie. Je dirais que le choc vient de son caractère spéctaculaire. Je dirais même « encore heureux que nous soyons choqués » car lorsque je vois le manque d’empathie et de tolérance que nous subissons et tolérons tous les jours (boulangeries, taxis, administration publique, et j’en passe), il est rassurant de se dire que le manque d’intérêt pour un être humain peut encore faire mal.

Ecrire pour dire que le système est pourri à la tête certes mais surtout les citoyens que nous sommes le sont. Trop souvent, nous disons « ce n’est pas grave, « on n’y peut rien », « c’est normal, y a rien à faire », « le pays-ci est foutu, tout les Camerounais sont pourris »,  » ce pays est un pays de faux » etc…

Pourtant, il demeure des policiers qui font leur travail avec passion, des médecins qui comprennent le sens de l’engagement, des préposés d’administration qui ont toujours le sourire. Pourtant, il demeure possible d’avoir recours à un certain nombre de services publics, sans corrompre qui que ce soit, il demeure possible de trouver un emploi sans se prostituer, il demeure possible de naître, vivre, grandir dans ce pays en étant honnête même lorsqu’on est pas riche. Il demeure beaucoup de gens capables de se mettre aux services des autres, des initiatives publiques ou privées qui sont au service du plus grand nombre sans contrepartie. Il demeure de l’espoir, il demeure la possibilité en tout et pour tout de voir le verre à moitié plein au lieu de voir le verre à moitié vide.

Ecrire pour songer au fait que les maîtres de ce système finiront peut-être par réussir leurs paris: mettre les Camerounais à dos les uns contre les autres. Ecrire pour rappeler que le statut de fonctionnaire dans mon cher et tendre pays n’a d’avantage que lorsqu’on est corrompu et tout le monde ne l’est pas. Ecrire pour me souvenir que dans tous les corps d’état, il y a eu ces trente dernières années, des grèves liées aux conditions de vie. Ecrire pour me souvenir, que lorsqu’une personne est désabusée, il n’y a souvent plus grand chose à en tirer. Ecrire pour me rappeler, que nos fonctionnaires sont désabusés voire même plus que nous.

Les gestes malencontreux, les crises, les morts par laxisme ne sont pas excusables. Toutefois, il nous faudra bien plus que nous plaindre en masse une fois par an, lorsque trop c’est trop pour enfin tirer la sonnette d’alarme. Chacun a un rôle ne serait-ce qu’infime à jouer. Une marche peut en être la première étape mais l’adoption d’une mentalité de solidarité et d’empathie journalière est aussi un autre grand pas.

Ecrire pour rappeler que quelque puissant que soit un puissant, il y a toujours un moment où le puissant doit rejoindre les mortels. Ecrire pour rappeler que nous ne devons cesser de croire au changement, croire en nous-mêmes et bâtir patiemment pour créer ce moment où le puissant n’aura d’autre choix que de nous écouter ou de partir.

Ecrire enfin, pour dire aurevoir à Monique KOUMATE et à ses jumeaux. Quelque soit les circonstances de fond, chacun mérite une meilleure fin. Ecrire pour supplier mes compatriotes de garder la foi. Ecrire pour rappeler à mes compatriotes que la masse peut faire changer les choses mais pour cela elle se doit d’être soudée, et pas seulement sur certains sujets. Ecrire pour rappeler qu’il ne faudrait pas que certaines morts soient vaines. Ecrire pour mon pays que je ne quitterai pour rien au monde. Ecrire pour mon pays pour lequel je souhaite avant tout me battre. Une autre occasion de se battre existe, en signant d’ores et déjà cette pétition pour une réforme du système des Urgences médicales au Cameroun.

Ecrire, écrire, écrire encore et toujours car en temps de crise ou de guerre à chacun ses armes. Telle est la mienne.

Anna♦

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Helene NGOKA
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