Je suis une femme et j’en ai marre

Article : Je suis une femme et j’en ai marre
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24 février 2017

Je suis une femme et j’en ai marre

« Etre une femme », en avoir marre. Au départ je voulais juste écrire sur « Etre femme » plus précisément « être femme » en Afrique et au Cameroun. J’avais rédigé une introduction digne d’un mémoire de fin d’études de doctorat.

Puis, je me suis rappelée de la réflexion lancée en début de semaine sur Twitter et à l’origine de ce billet.

Oui, je suis une femme et j’en ai marre d’être traitée comme de la viande, un jouet ou une poupée.  J’avais lu il y a un ou deux ans, un article qui avait fait le tour de la toile et qui décrivait ce sentiment que nous pouvions avoir nous femmes, cette sensation d’être « violée » en permanence, et le laisser-faire que la société nous avait habituées à adopter face à ces situations de notre quotidien de femme.

Oui, je suis une femme et désormais une maman et je ne voudrais pas que ma fille grandisse en pensant qu’il est normal de tolérer ces intrusions intempestives dans nos vies de femme et cette sensation implicite que nous ne sommes que dans les yeux de ces hommes qui nous désirent.

Pour que vous compreniez mon propos, je vais vous conter l’anecdote qui m’a inspirée ce texte, ou plutôt la série d’anecdotes. Tel soir où je rentrais, c’est ce conducteur de moto-taxi qui me tapote l’épaule en m’appelant « chérie ». Une sensation désagréable a envahi tout mon être, et une réponse a fusé « Tu es obligé de me toucher? ». Et lui de me répondre « Je te saluais seulement ». J’ai eu tôt fait de m’éloigner pour ne pas dire tout haut toutes les horreurs que je pensais tout bas.

Toujours au cours de cette semaine, ou plutôt comme quasiment tous les soirs, ce sont ces personnes appelées « chargeurs », en d’autres termes qui vous suggèrent le taxi dans lequel rentrer, s’occupe donc de son remplissage et reçoivent en retour du conducteur de taxi, une petite pièce. Ces « chargeurs » ont toujours des noms pour vous définir « ma chérie », « mami », « poupée ». Ces chargeurs se sentent dans l’obligation de marcher près de vous pendant quelques mètres et quasiment en vous collant, parfois en vous touchant le bras, pour vous arracher une destination ou vous inviter à rentrer dans le taxi qu’ils recommandent. Ces chargeurs sont prêts à vous insulter si vous ne souhaitez pas leur répondre ou si vous leur demandez tout simplement de ne pas vous importuner. Les insultes fusent pour un rien. Cette semaine, un jour précis, c’est ce jeune chargeur qui me parle et à qui je demande simplement si je suis obligée de monter dans le taxi de son choix, et lui de me demander pour qui je me prend. C’est cet autre chargeur, plus âgé que j’appelle  » le père » en signe de respect et dont je décline aussi l’invitation. Il me répond  » quel père? On t’a dit que le père qui te baise est mieux que moi…bordel comme ça », et le plus jeune de renchérir « Elle croit même qu’elle est qui? Regardez-là », et je ne sais quoi d’autre parce que j’ai accéléré le pas et cessé d’écouter. Mais au fond de moi-même, c’était ça:

Euh Pardon, Qu’est-ce qui n’a pas marché? Jusqu’à quand devrons-nous supporter ça?

Ce type de scènes, je ne compte pas le nombre de fois où je les ai vécues même quand je réponds aux invectives par le silence. Je ne parlerai même pas de tous ces hommes qui t’accostent dans la rue, et qui dès que tu te refuses à leur donner ton numéro, passent en mode insultes. Ces hommes qui pour beaucoup sont en voiture, ont des allures d’hommes d’affaires prospère, ou de père de famille tranquille. Si je ne l’avais vécu qu’au Cameroun, je dirais que c’est un problème de mentalités africaines. Mais même au cours de mes années étudiantes en France, j’ai été confrontée à ces bassesses.

Je n’oublierai jamais ce monsieur d’une soixantaine d’années, français de souche, en apparence, qui m’a traitée de pute, parce que j’avais refusé de répondre à ses sollicitations, sous prétexte que de toute façon, je portais une mini-jupe, donc je VOULAIS.

Je n’oublierai pas non plus cette scène d’anthologie devant cet homme blanc visiblement perturbé mentalement qui juste après un bonjour et une réponse polie de ma part, avait exhibé sa quéquette.

Mon inquiétude est cette phrase que nous sortons régulièrement entre amies, lorsque nous faisons face à ce type de situations  » Aka, ne fais pas attention ». Oui, nous ne devons pas faire attention, oui nous devons trouver que c’est normal ou à minima pas si grave que ça.

Au Cameroun, comme dans de nombreux pays, des femmes font face à des invectives sans mot dire. Quand ce ne sont pas les invectives, ce sont ces regards concupiscents, qui dépassent le cadre de la séduction, de l’appréciation ou du désir, qui vous pénètrent sans que vous ayez donné pour cela une quelconque autorisation.

Bientôt, nous célébrerons le 8 Mars, et au fil des thèmes, j’ai le sentiment que le débat se déplace de la vraie réalité de la condition féminine. On nous parle de plus en plus d’égalité, on centralise sur ces revenus qui ne sont pas les mêmes, sur ces accès au travail, à l’éducation qui sont différents, inégaux. C’est sans aucun doute une difficulté, mais pourquoi s’attaquer aux conséquences et nier les causes ou origines. Pourquoi nier cette vision si dénaturée de la femme, censée être mère (ventre porteur), vagin, corps en somme symbole de désir, de satisfaction pour un seul genre, le genre masculin. Pour justifier cela, je devrais, je pourrais vous parler de ces publicités (notamment les publicités de parfums) où le désir, le corps de la femme est suggéré, montré mais toujours utilisé pour vendre. Mais ça pourrait être un sujet entier pour un nouvel article. Je pourrais aussi parler de ces femmes qui ont décidé de mettre leur corps au service de leurs ambitions, de leur volonté de réussir, mais ça aussi, ce pourrait et ce devrait être un autre article absolument.

Oui, je suis femme et j’en ai marre d’être en apparence célébrée mais dans la pratique d’être si peu respectée et de façon si systématique. Au-delà des plaintes, au-delà de la colère (significativement contenue dans ce billet, cependant), voilà ce qui pourrait se faire différemment:

  • L’éducation familiale: Il incombe aux femmes mères d’inculquer à leurs fils, un respect absolu et total pour la femme, et aux filles une confiance en elle, et une reconnaissance de leur condition d’être humain comme les autres, qui a droit au respect absolu
  • L’éducation civique: les insultes verbales contre hommes ou femmes mais surtout contre les femmes, devraient être pénalisées tout comme le sont les insultes à caractère racistes dans de nombreux pays du monde. De même, dans les cours d’éducation civique, notamment chez moi au Cameroun, il devrait y avoir des cours sur le respect de l’autre et notamment sur le respect de la femme.

Ecrire ces lignes me rend si triste, et pire encore me donne un certain goût d’inachevé mais je vais cependant m’arrêter là. La femme est un être humain à part entière méritant respect et amour. La femme est la mère de l’humanité, et chacun devrait pouvoir se demander, lorsque j’insulte une femme, pourrais-je insulter ainsi ma mère, ma sœur, ou ma femme?

Qu’en pensez-vous? En tant que femme, vous retrouvez-vous dans ces mots? En tant qu’homme quel est votre ressenti de ces situations? Continuons le débat en commentaires, ici, sur Twitter ou sur Facebook.

Love, Anna♦

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