Paris, ce que je retiens!

Article : Paris, ce que je retiens!
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16 novembre 2015

Paris, ce que je retiens!

Paris, c’était un vendredi 13, une soirée normale pour beaucoup qui a basculé dans l’horreur de l’inattendu sans que l’on comprenne bien pourquoi. 

Paris, depuis vendredi déchaîne les passions sur les réseaux sociaux entre citoyens du monde qui ne comprennent pas et rejettent le trop-plein d’attention donné à ce malheur face à tous les malheurs qui habitent la terre tous les jours ou plutôt toutes les autres victimes d’attentat qui parsèment le monde.

Paris, c’est un rappel depuis vendredi que le sentiment anti-Occident, anti-France, augmente de plus en plus partout dans le monde et notamment en Afrique. Une nouvelle génération peut-être plus consciente, revendique les morts récentes et lointaines de son continent et répond à la haine par la haine.

Paris, c’est le triste rappel que le monde va extrêmement mal. Car avant Paris, il y a eu Paris, il y a eu Bagdad, Damas, Beyrouth, Maroua, Kolofata, Garissa et bien d’autres encore, passés ou à venir.

Mais pour moi Africaine, Camerounaise, au-delà de tout ce que j’appellerais des faits qui ne se discutent plus, Paris c’est plus que cela. Paris c’est le rappel violent et amer que la vie humaine n’a pas beaucoup de valeur chez moi. Je ne peux m’empêcher de lire les nombreux témoignages des proches de disparus, les partages d’images d’anonymes, de me rappeler que ce n’est d’ailleurs pas la première fois. En effet, à Paris, la disparition d’un enfant fait la une des journaux avec analyses, photos à l’appui, portrait de la famille, et souvent une mobilisation sur les réseaux socieux etc. Chez moi, une enfant disparu c’est au mieux un communiqué de presse posté à la radio par sa famille qui la recherche en vain, et une apparente indifférence des médias qui généralement rapportent l’information comme un énième fait-divers. A Paris, un accident de la circulation mortel fait une fois de plus la une des journaux sans image des corps mais tout au plus des photos des décédés sous leur meilleur jour, des analyses immédiates et pointues sur les causes possibles de l’accident et des rappels aux automobilistes sur leurs responsabilités, les sanctions pénales et civiles réelles après de vraies enquêtes pour s’assurer que cela n’arrive plus jamais. Chez moi au Cameroun, le même accident peut éventuellement faire l’un des titres du journal mais dans le but de montrer des images désastreuses de corps en lambeaux, faire un macabre décompte des morts et blessés, et écrire 2-3 lignes sur les responsabilités des uns et des autres. Aucune action en justice sérieuse, en tout cas aucun relai presse et aucune action pour ceux qui causent les morts. Je pense notamment, aux morts QUOTIDIENNES dues à un phénomène rare: les motos-taxis.

Loin de moi l’idée fondamentalement de juger, qui serais-je pour me considérer différente de mes autres compatriotes. Mais Paris m’a fait mal. Mal parce que pour la première fois de ma vie, j’ai perdu quelqu’un que je connaissais et j’appréciais, assassinée violemment par des terroristes. Une jeune fille pleine de vie, généreuse, joyeuse qui s’appellait Lola Salines.

Paris m’a fait mal parce que j’ai dû me regarder en face et me demander quelle valeur réelle avait la vie pour moi. J’ai dû repenser à nos morts et me demander à quelle fréquence j’ai pleuré pour le Nord Cameroun, mais plus largement, j’ai dû repenser à toutes les morts banales, souvent horribles qui surgissent dans mon quotidien, à ces accidents violents que j’ai croisé plusieurs fois dans un taxi, à ces hommes qu’on brûle tous les jours au lieu de les remettre à la justice car ils sont des voleurs. J’ai dû repenser au fait que chez moi, et pour moi (de façon consciente ou inconsciente), la mort était devenue banale.

Paris, j’en retiens donc qu’un mort, c’est une vie humaine qui s’envole et qui mérite d’être célébrée. Je ne veux pas en vouloir aux Occidentaux parce qu’ils savent célébrer leurs morts ou plutôt les garder vivants à jamais dans le coeur de tous. Je veux pouvoir me demander, comment, chez moi, individuellement et avec les autres, je vais pouvoir apprendre à rendre aussi mes morts immortels.

Paris, me rappelle que célébrer la vie, immortaliser les morts, c’est la responsabilité de tous, à commencer par nos médias, et nous-mêmes dans nos partages sur les réseaux sociaux. Cessons de partager des débris de corps, des statistiques… Informons-nous plus, recherchons les histoires de vie, apprenons les leçons et ce pour toutes les morts qu »elles soient le résultat d’attentats ou tout simplement d’un accident de la circulation. Ainsi, quand nous apprendrons, à célébrer nos disparus, nous n’aurons plus besoin que Facebook le fasse car ils vivront dans nos coeurs tout simplement.

Paris, ça pourrait aussi être la troisième guerre mondiale qui arrive, l’apprentissage nécessaire que nous devons faire de plus de tolérance mais ça beaucoup en ont déjà parlé et pour moi, au final c’est secondaire. Banaliser la mort, banaliser la violence, c’est déjà avoir accepté tout le reste.

Mon coeur saigne, et je souhaite que mon esprit retienne ainsi la leçon: un mort est une vie qui s’efface. 

Anna♦

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Commentaires

Hélène Bibiane NGOKA
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Je dis:
> NON à la barbarie
> NON à la violence
> OUI à la liberté
> OUI à la vie

Merci pour ce récit Anne

Anne Christelle
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Merci miss pour ton commentaire.