Burn out, chut, on n’en parle pas…

Article : Burn out, chut, on n’en parle pas…
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28 octobre 2016

Burn out, chut, on n’en parle pas…

En 1969, pour la première fois est évoqué le mot « Burn Out » ou encore syndrome d’épuisement professionnel.

Auparavant, identifié au sein de certaines fonctions à risques, de par la part d’implication émotionnelle qu’elles comportaient (travailleurs sociaux, enseignants, professions médicales), aujourd’hui le burn out  est admis comme un risque lié au travail tout simplement.

L’Organisation Mondiale de La Santé (OMS) le décrit comme  » un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail ».

J’aime beaucoup les derniers mots « résultats concrets au travail » car en général, ils sont la face visible de l’Iceberg, mais la plupart du temps, personne (et encore moins l’intéressé) ne voit ce qui se cache derrière.

Je vous ai parfois parlé ici de mon départ, il y a un an d’une belle FMCG, de mon envie de me mettre à mon compte et du vrai et ambitieux challenge que je me suis ainsi lancée. J’ai lu les nombreux commentaires des uns et des autres que ce soit ici ou via mes autres plateformes sociales. J’ai remercié pour tous ces encouragements et parfois j’ai saigné. Oui, saigné car pour en arriver là, il aura fallu un déclic. Ce déclic comme on pourrait s’y attendre, ne s’est pas fait dans la joie. Il ne s’est pas fait en un jour. Il est apparu comme la seule solution pour faire face à l’adversité.

En Mai 2014, je change de poste, suite à une restructuration importante au sein de l’entreprise et plus particulièrement au sein du département marketing, le mien. Je ne suis pas très convaincue par ce changement, mais étant donné le contexte (et malgré mes bonnes performances), je m’estime heureuse, chanceuse même. Oui, je suis encore dans le train alors pourquoi me plaindre? J’accepte donc de nouvelles responsabilités avec un poste qui ne me convainc pas mais en me disant que je saurai comme toujours, y faire. Quelques mois après, les problèmes commencent. Ma fin d’année 2014 et mon année 2015 seront ponctuées par une certaine non-performance, malgré de nombreux efforts consentis, une fatigue quasi permanente et des maladies neurologiques de plus en plus fréquentes (sciatiques, vertiges) avec comme corollaires des congés maladies à répétition d’un minimum de deux semaines à chaque fois. Tout ceci intervient dans un contexte personnel assez difficile, qui ne permet pas de me ressourcer, de trouver hors du travail d’autres sources d’apaisement. Comment dire, le travail était la source d’apaisement, et lentement je commence à avoir le sentiment que tout s’écroule.

Plus profondément, je ne me sens plus en accord avec mon travail, avec mes ambitions originelles et avec mes valeurs. Je vends un produit que j’ai toujours trouvé nocif, ayant vécu dans mon entourage proche, les conséquences de son abus. Bien que la société en elle-même soit un univers unique et de haut vol d’apprentissage, cela ne suffit plus à compenser l’inadéquation avec mes valeurs morales. Je le voyais venir, mais j’avais l’impression que ce n’était pas grave. Déjà en Octobre 2013, j’avais lancé un blog « La Bibliothèque Qui Ne Brûle Pas« , pour me rapprocher du sens que je souhaitais donner à ma vie. Je m’y étais jetée la première année à corps perdu, écrivant 5 articles par semaine, dormant en moyenne à 2h du matin, et à ce moment-là, étant encore comblée par mes objectifs professionnels. Cela m’avait permis de trouver un juste milieu mais à quel prix?

Ainsi, dès Mai 2014, cette nomination que je n’avais pas accepté, avait sonné le glas de ma réflexion personnelle sur mon avenir. Mais comment préparer cet avenir? Comment se concentrer quand on doit quand même atteindre la performance? Comment se démultiplier quand on n’a plus aucune force physique? Comment voir l’avenir lorsqu’on arrive à peine à voir le bout de la journée? J’étais en train de devenir une lavette, en apparence très motivée mais de plus en plus inconstante, souvent en retard dans son rendu, de plus en plus irritable, irascible même et comme je l’ai dit plus haut très souvent malade.

En Juillet 2015, une douleur consistante à la poitrine m’alerte. Je suis en plein séminaire professionnel, j’ai heureusement fait ma présentation la veille, et je n’arrive plus à respirer. Toutes les 30 secondes, la douleur me saisit, coupe ma respiration, j’ai l’impression d’étouffer. Je sors de la salle de réunion et je me rapproche du médecin du travail présent. Il cache son inquiétude par des blagues et appelle un cardiologue et me prends RDV pour le lendemain. Je passerai l’une des nuits les plus angoissantes de ma vie. Le cardiologue me parlera le lendemain de « péricardite » en d’autres termes inflammation du péricarde, membrane entourant le cœur. Elle est généralement identifiée comme une des complications rares de la grippe, rendue facile par « le stress », « la fatigue ».  Après deux semaines d’arrêt, je reprends péniblement le travail à l’étonnement du médecin du travail qui m’avoue que cette maladie nécessite généralement un minimum d’un mois d’arrêt pour éviter toute rechute. Je ferai plusieurs examens cardiologiques, dont ma première radio du cœur. Ce sera mon déclic.

Pensez-vous, trop souvent on entend parler de ces jeunes morts d’AVC, sans jamais avoir montré des signes de problèmes cardiaques. Ce sera le déclic pour une vraie réflexion sur moi, sur mes besoins, mes envies, mes ambitions, mais surtout sur la nécessité d’une aide professionnelle. Cette aide permettra d’établir le diagnostic de Burn-Out, et la nécessité de changer d’environnement professionnel, voire même de carrière.

Quelques mois après, suivra ma décision de partir, de changer de vie, de repenser mes priorités professionnelles. Près d’un an après le diagnostic, je ne suis pas certaine d’être complètement remise. Toutefois, je vois/sens les grandes améliorations. J’ai repris le goût du travail, je fais des choses différentes tous les jours mais qui m’épanouissent, me donnent le sentiment d’apprendre et surtout de ne pas avoir de pression.

Le Burn Out au Cameroun, tout comme la dépression ou tous les maux qui touchent l’âme, restent et demeurent des tabous. On en parle, on ne l’accepte que difficilement et la prise en charge est un parcours du combattant. Le nombre de psychologues reconnus au Cameroun reste limité, et encore plus limitée la part qui est en mesure de faire un diagnostic de burn out. Les entreprises ont du mal à comprendre/accepter cette pathologie et de ce fait accompagner les personnes en souffrance. Au contraire, on s’attarde sur la non-performance, on accable parfois un peu plus le malade d’autant que généralement, il n’est lui-même pas conscient de sa souffrance, et se culpabilise pour son incapacité à délivrer.

De ce que j’ai pu comprendre/lire, il y a des personnes plus susceptibles de chuter. Je citerai notamment les gens passionnés par leur travail, et toujours désireux d’atteindre l’excellence. Eh oui, plus on veut bien faire, plus on a tendance à se donner plus que de raison, jusqu’à épuisement. Les personnes qui évitent de prendre leurs congés de manière régulière sont aussi à risque. Les profils sont nombreux et je crois qu’au final personne n’est à l’abri.

Ce billet vise réellement à ce qu’on se rende compte que

  1. Le mal existe
  2. Il faut qu’on en parle plus, qu’on reconnaisse aux personnes le droit de souffrance
  3. Ce n’est pas une fatalité, ça arrive, ça passe et un jour on avance mais pour cela il faut avoir la chance d’être suivi à temps

J’espère vous avoir aidé/inspiré/édifié. Je ne remercierai jamais assez ma famille, mes amis proches pour avoir été là. Car ça aussi c’est très important.

Un avis,un témoignage, je vous attends avec impatience dans la section « Commentaires ».

Love, Anna♦

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Commentaires

MOUELEU Pierre
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Belle description d'une situation qui détruit les carrières et les vies entières.

Je suis Chercheur sur le burnout au Cameroun.

Nous pourrons peut-être collaborer dans ce cadre pour davantage illustrer ce syndrome et amener plusieurs personnes à s'auto-évaluer.

Bonne continuation.

Anne Christelle
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Merci Mr. MOUELEU. Bien que je réagisse tard, je suis ravie de vous avoir lu.